Prendre en compte la diversité des disciplines
Thierry Damerval, Président directeur général de l’ANR revient sur l’année 2019 et la poursuite des actions engagées depuis 2017.

La loi de programmation de la recherche 2021-2030 aura un fort impact pour l’ANR. L’année écoulée vous a-t-elle conforté vers cette évolution ?
La loi redonne une croissance budgétaire à la recherche française et offre des perspectives pour renforcer sa place sur la scène internationale. Avec cette loi, l’ANR voit d’une part ses missions confortées dans l’écosystème de la recherche et de l’innovation, et d’autre part ses moyens d’intervention renforcés afin de mieux répondre aux besoins des laboratoires et des établissements : augmentation des taux de succès, augmentation du préciput et adaptation des modes de soutien aux besoins des disciplines scientifiques.
Ainsi, conformément à sa mission première, l’ANR maintiendra une part substantielle des financements octroyés sur une logique « investigator-driven », à savoir via des appels à projets non ciblés. Car c’est de là que peuvent aussi émerger des ruptures scientifiques ou technologiques et des solutions originales.
L’Agence prendra en compte la diversité des besoins des disciplines et des projets, en termes de moyens et de durée également. Le soutien aux jeunes chercheurs et chercheuses est une priorité. Nous en soutenons plus de 300 chaque année dans toutes les disciplines et sur tous les sites.
Les besoins de recherche sont importants, et l’ANR, avec près de 19 000 projets financés depuis sa création, dispose d’une fine connaissance de la recherche et de ses évolutions. L’Agence contribue ainsi à accroître l’apport de la recherche à l’ensemble des politiques publiques portées par l’État et les collectivités territoriales. En 2019, nous avons noué un partenariat stratégique avec la Région Normandie afin de coordonner et simplifier les actions vis-à-vis des laboratoires et des entreprises du territoire.
L’année 2019 a aussi été placée sous le signe de la reconnaissance. Elle reste marquée par l’évaluation de l’Agence par le HCERES avec l’audition de plus d’une centaine de personnes, en interne et en externe avec des représentants de nos différentes parties prenantes, qu’il s’agisse du Plan d’action ou des Investissements d’Avenir. Le comité de l’HCERES, composé de personnalités françaises et étrangères et présidé par Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec et président des Fonds de recherche du Québec, a salué le professionnalisme des processus de programmation et d’évaluation ainsi que la reconnaissance de l’ANR par ses partenaires en France et à l’international. C’est le fruit de l’action de chacune et chacun au sein de l’Agence et aussi celui de tous les scientifiques membres des comités d’évaluation que je salue et remercie de nouveau.
Nous avons abordé 2020 avec confiance mais aussi lucidité. La crise liée à la Covid-19 a rappelé à tous l’importance de la recherche et les attentes qu’elle inspire à la société. Aussi, tant la question de l’intégrité scientifique que la question des relations sciences-société prennent une dimension plus que jamais primordiale. L’ANR poursuivra ses engagements en faveur de l’intégrité scientifique, de la science ouverte, de l’égalité femmes-hommes et de la diffusion de la culture scientifique. C’est tout le sens de notre prochain contrat d’objectifs et de performance.
L’ANR contribue à accroître l’apport de la recherche à l’ensemble des politiques publiques
La publication du rapport d’activité 2019 coïncide avec la crise de la Covid-19.
Quelle a été votre action ?
Cette crise nous a mis à l’épreuve et, plus généralement, l’ensemble de l’écosystème de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Début mars, nous avons mis en place un plan d’action permettant d’assurer la continuité de notre activité (cf. encadré). Grâce à la mobilisation et au professionnalisme des équipes, l’ANR a été en capacité de répondre aux besoins de recherche urgents en temps de confinement. Nous avons lancé un premier appel « Flash Covid-19 » pour une réponse immédiate avec un démarrage des premiers projets fin mars, puis un second « Recherche-Action Covid-19 », ouvert jusqu'en octobre 2020, pour prendre en compte la diversité et l’évolution des questions apparaissant lors du développement de l’épidémie. Le maintien de cet appel en continu avec une évaluation au fil de l’eau est une approche nouvelle qui apporte beaucoup d’enseignements. Le comité scientifique et les équipes de l’Agence font preuve d’une grande mobilisation et d’une capacité d’adaptation exceptionnelle. Ces circonstances d’urgence ont suscité une forte mobilisation de l’expertise, la délivrance rapide des financements, et ont conduit à de nouveaux partenariats avec l’association d’autres acteurs de soutien à la recherche à nos appels (plusieurs régions, la Fondation pour la recherche médicale et la Fondation de France).
Des collaborations internationales sur la Covid-19 avec des agences partenaires de l’ANR se sont également développées.
Plus que jamais, nous avons besoin de la recherche et en particulier des sciences humaines et sociales pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons et son évolution. Afin de prendre en compte le temps long de la recherche et poursuivre le soutien des projets pour la lutte contre la pandémie, une priorité Covid-19 a été inscrite dans le Plan d’action 2021 de l’Agence, publié en juillet 2020.
Quels sont les autres axes de travail prioritaires pour l’Agence ?
Nous devons continuer à travailler sur la simplification et la modernisation de nos activités afin d’alléger les modalités pour les chercheurs et les établissements et rendre notre action plus lisible pour nos bénéficiaires comme pour nos concitoyens.
Dans le cadre du déploiement du Plan national pour la science ouverte, nous avons mis en place un réseau d’échanges et de coordination avec l’INCa, l’Ademe, l’Anses et l’Inserm/ANRS pour définir une approche concertée en faveur de la science ouverte. Nous souhaitons poursuivre ces coopérations pour renforcer la visibilité de nos appels à projets respectifs, simplifier et harmoniser nos procédures vis-à-vis des laboratoires.
Plus que jamais, nous avons besoin de la recherche pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons et son évolution
L’ANR en soutien à la recherche
Dès le début de la pandémie, l’ANR a mis en place un plan d’action pour assurer la continuité de ses activités et soutenir les communautés scientifiques mobilisées sur la Covid-19.
L’Agence a annoncé dès le 26 février un appel Flash Covid-19 ciblé sur quatre priorités de recherche identifiées par l’OMS. Dès la clôture de l’appel le 23 mars, le comité scientifique a sélectionné 44 projets pour un premier financement leur permettant de démarrer instantanément. Au terme de l’évaluation, sur 258 projets déposés, 108 ont été financés pour 19 M€ grâce au fonds d’urgence mobilisé par le MESRI et à l’engagement de la Fondation pour la recherche médicale (FRM), de la Fondation de France, et aux régions Occitanie, Grand-Est, Hauts-de-France, AURA, Pays de la Loire. Les projets sélectionnés montrent une très forte mobilisation des communautés, couvrant un grand nombre de problématiques liées à l’épidémie, et de nombreux projets au caractère interdisciplinaire incluant une composante en SHS comme en numérique et en informatique.
Dans la continuité de cet appel, l’ANR a lancé le 20 avril un nouvel appel « Recherche-Action Covid-19 » ouvert en continu jusqu’au 28 octobre 2020 pour soutenir des projets ciblant l’acquisition de connaissances avec des résultats escomptés dans les 3 à 12 prochains mois. La Fondation pour la recherche médicale, de même que les Régions, restent partenaires de cet appel. Évolutif, cet appel peut intégrer de nouvelles thématiques, de nouveaux partenaires cofinanceurs, des collaborations bilatérales internationales, etc.
Au niveau international, l’ANR a privilégié la coordination et la mise en place de collaborations entre projets issus d'appels à projets nationaux via des interactions bilatérales avec des agences partenaires tout en veillant à une complémentarité avec l’ANRS dont les actions associent les pays du Sud.
En matière de science ouverte, des dispositions supplémentaires ont été mises en place conformément à la déclaration internationale « one sharing research data and findings relevant to the nCoV outbreak » signée par l’ANR fin janvier 2020 : diffusion des résultats de recherche via des plateformes de preprint, partage précoce des données de la recherche, des protocoles et des normes utilisés pour collecter les données, etc. Elles viennent compléter les mesures du plan national généralisées à tous les appels à projets de l’ANR : obligation de dépôt des publications dans une archive ouverte et mise en place d’un Plan de gestion des données.

258 projets déposés
108 projets financés
19 Millions d'€

Olivier Spalla,
Responsable du département Sciences physiques, ingénierie, chimie et énergie de l'ANR.
Spécialiste de la physico-chimie de la matière condensée, Olivier Spalla nous a quittés prématurément en 2020. Il avait rejoint l'ANR début 2013 comme responsable scientifique puis responsable adjoint du département « Ingénierie, procédés, sécurité ». Il était depuis 2016 responsable du département Sciences physiques, ingénierie, chimie et énergie (SPICE). Passionné par la science et la technologie, il a profondément marqué par son engagement et sa personnalité généreuse celles et ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui. L'ANR et ses collègues ont perdu un collaborateur estimé et apprécié.